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Un IGP serait "une menace mortelle" pour l'Alsace, selon un vigneron

En Alsace, des voix s'élèvent pour réclamer la création d'une IGP et d'un label de qualité "premier cru". Conal Gregory fait le point sur les derniers développements, qui font grincer des dents dans la région française.

L'Alsace est le pays de la cigogne, un oiseau qui arrive chaque année dans la région française pour se reproduire et dont le symbole est encore adopté par de nombreux producteurs de vin. Après des années de déclin dû à la chasse en Afrique et aux accidents causés par les lignes électriques, la population de cigognes s'est enfin stabilisée. Leurs nids peuvent peser jusqu'à 500 kg et atteindre 2 mètres de diamètre. De nombreux producteurs de vin font le parallèle avec cette résurgence.

Il n'existe pas de premier cru en Alsace. Pourtant, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer une telle reconnaissance pour les sites situés en bas des pentes et au sommet des collines de la région. L'AVA (Association des Vignerons d'Alsace) travaille depuis 12 ans sur une telle proposition. Il s'agirait d'un niveau pyramidal : 51 grands crus au sommet, une AOP alsacienne à la base et, entre les deux, 13 villages nommés avec deslieux-dits.

Chacune a des règles de production différentes, qui sont principalement basées sur le rendement maximum autorisé, tel que 40hl/ha pour les vins rouges et 50hl/ha pour les grands crus blancs, mais plus élevé pour les vins d'Alsace simples (60-75hl/ha en 2022 selon le cépage).

Les collectivités ont été invitées à donner leur avis et des exemples si la loi devait être modifiée. Les premiers crus resteraient dans la seule AOP Alsace mais avec des critères basés sur des aspects tels que l'histoire, la notoriété et le rendement. Les dégustations sur une décennie de millésimes seraient effectuées par une commission agréée par l'INAO.

"L'Alsace est un labyrinthe géologique complexe, ce qui pose un problème majeur", déclare Olivier Humbrecht MW, qui prévoit cinq ans de travail supplémentaire.

A Ribeauville, qui compte trois grands crus (Geisberg, Kirchberg, Osterberg), Julian Trimbach estime que Weinbaum (où il a planté du Sylvaner) devrait être un premier cru et Muehlforst à Hunawihr (où l'entreprise a du Gewurztraminer).

Jean-Frédéric Hugel ne voit pas de grand cru être déclassé en premier cru "de sitôt".

Géologie sur les étiquettes

Plutôt que d'attendre cette reconnaissance, la Cave Vinicole de Turckheim désigne depuis 2004 les parcelles distinctives par le nom de leur structure de sol.

Après des discussions avec les consommateurs, elle a cessé de révéler les noms spécifiques sur les étiquettes des vins et a créé à la place une gamme "collection terroirs" composée de vignes cultivées sur des sols granitiques, marneux, calcaires et sablo-graveleux.

"Ce choix de simplifier les terroirs a porté ses fruits, et le premier cru n'a plus sa place dans notre gamme", précise Emmanuelle Gallis, directrice commerciale de la Cave Vinicole de Turckheim.

Au lieu d'un nom de champ, la Cave écrit généralement "Heimbourg-Marnes et Calcaire".

Trois appellations de terroir figurent sur les étiquettes : Marnes et Calcaires, Granit et Sables et Galets, mais elles ne sont pas traduites en anglais, ni dans aucune autre langue.

Les vins issus de cépages qui ne figurent pas sur la liste autorisée, et désormais quelque peu historique, des cépages ne peuvent être vendus que sous l'appellation " Vin de France".

Cependant, la demande est telle que les producteurs conditionnent en unités de trois litres et ne peuvent utiliser aucune dénomination régionale.

M. Trimbach ne s'y oppose pas, mais il ajoute : "Nous nous concentrons vraiment sur nos grands terroirs, les grands crus et d'autres en production biologique".

Une IGP pour l'Alsace ?

Il n'existe actuellement aucune mesure intermédiaire, telle qu'un PIG.

Selon M. Gallis, la création d'une telle appellation permettrait de mieux faire connaître l'Alsace : "Cela donnerait plus de publicité à l'Alsace". Sa coopérative est un acteur important, avec 150 membres détenant 400 ha de vignes.

M. Humbrecht n'est pas de cet avis : "La région ne veut pas d'IGP. Cela sèmerait la confusion dans l'esprit des consommateurs et ferait chuter les prix, car ces vins seraient produits sans règles strictes en matière de rendement, d'irrigation et de densité. Pour ma cuvée Zind, je suis heureux de rester en Vin de France".

Selon M. Hugel, "un IGP constituerait une menace mortelle pour la région".

Selon la loi, le vin alsacien doit être embouteillé dans une flûte, même pour les demi-bouteilles. Cela confère une esthétique particulière aux vins, mais signifie qu'aucun train ou avion ne peut transporter de vin d'Alsace, car les bouteilles sont trop hautes pour les réfrigérateurs de transport. Cette situation est embarrassante non seulement pour les partisans du TGV, mais aussi pour Air France.

Les non-AC, généralement vendus en bag-in-box, n'ont pas le droit d'indiquer un quelconque caractère régional sur la présentation. Elle doit exclure les photos de leurs jolis villages, toute mention du terme principal d'un assemblage (Edelzwicker) ou des trois variétés désignées, Gewurztraminer, Riesling et Sylvaner. Seuls les trois cépages Pinot peuvent être nommés. Le Pinot Blanc et le Pinot Gris, au fruité sec, forment un duo très apprécié.

La Cave Vinicole d'Eguisheim, dont le nom commercial est Wolfberger, vinifie le Chardonnay en Vin de France et l'appelle L'art d'un grand. L'œnologue Émilie Lejour dispose d'un riche inventaire de 301 membres dont les vignes produisent environ 80 000 hl par an sur 1 287 ha.

Échelle de douceur

Pendant des décennies, les consommateurs potentiels de vin alsacien n'ont eu que peu ou pas d'indications sur l'étiquette quant au caractère sec ou doux du vin. Certains producteurs ont toujours fermenté leurs vins en sec, notamment le riesling.

Après qu'un accord informel visant à placer une échelle de douceur avec un marqueur indicatif sur les étiquettes de vin a été largement ignoré, une obligation légale a vu le jour, à partir du millésime 2021. Pour lui donner tout son poids, elle bénéficie du soutien de l'Union européenne.

La législation fait référence à la douceur relative au moment de la récolte plutôt qu'au moment de la mise en bouteille.

Il incombe donc essentiellement au viticulteur de choisir le moment de la cueillette des raisins et le style de vin qui en résultera.

La nouvelle loi prévoit que les informations doivent figurer sur l'étiquette ou la contre-étiquette, avec deux options : l'une des quatre mentions (sec, moyennement sec, moyennement sucré, sucré, ce qui correspond à 4g/l, 4-12g/l, 12-45g/l et plus de 45g/l) ou une échelle avec une flèche indiquant le niveau spécifique.

Il n'y a pas d'uniformité dans l'étiquetage.

L'approche par échelle est utilisée par le Domaine Viticole de la Ville de Colmar pour Tesco et par Kuhlmann-Platz (Cave Vinicole de Hunnawihr) et Schlumberger pour Majestic.

Sainsbury déclare que "l'utilisation d'une échelle de 1 à 4 ne serait pas cohérente avec le reste de notre gamme. L'utilisation de cette échelle n'est pas obligatoire car nous utilisons plutôt le terme "moyennement sec"".

Sa propre échelle a été introduite il y a 12 ans et est "liée à la douceur perçue plutôt qu'au g/l de sucre". Sainsbury attribue au Gewurztraminer 2021 une note de trois sur neuf.

La Cave Vinicole de Turckheim obtient une note de 4 pour le Gewurztraminer sur une échelle de 1 à 5 chez M&S, et le qualifie en outre de "moyennement doux".

Des mentions uniques sont appliquées par Hugel(Majestic), par la Cave de Beblenheim (Waitrose) et la Cave de Turckheim (Morrison).

Ce dernier supermarché indique que son Gewuztraminer a une teneur de 12,8 g/l, mais le qualifie de "moyennement sec".

La Cave de Bestheim-Bennwihr indique que son Gewurztraminer vieille vigne destiné à Lidl est "moyennement sec".

Nouveau CA pour les vins secs

Conscient de la popularité mondiale des vins secs - notamment du Sauvignon Blanc - un nouvel AC a vu le jour : Alsace Sec.

Il est fortement axé sur le riesling et met l'accent sur l'acidité.

Marc Beyer, de Leon Beyer, se réjouit que les vins secs classiques d'Alsace soient désormais reconnus, car il est "probablement le seul producteur alsacien à n'avoir jamais glissé vers des vins sucrés. Tous les cépages (à l'exception des vendanges tardives) ont été vinifiés en sec".

La terminologie peut encore prêter à confusion. Les producteurs font souvent référence au Klevner, mais l'étiquettent sous son nouveau nom de Pinot Blanc.

Mais il y a aussi le Klevener d'Heilingenstein, qui est en fait un Savagnin Rose, mais qui est un vin blanc.

Cinq villages sont autorisés à produire ce type de vin : Bourgheim, Gertwiller, Goxwiller, Heiligenstein et Obernai.

Il ne s'agit pas du Savagnin Noir, terme désignant le Pinot Noir dans le Jura. Le Zwicker ne peut plus être utilisé, mais l'Edelzwicker et le Gentil sont autorisés pour les assemblages.

La proportion de chaque cépage n'est souvent pas indiquée dans les statistiques, le Pinot Blanc et l'Auxerrois (parfois appelé Pinot Auxerrois) étant souvent combinés, bien que ce dernier soit généralement 15 à 20 % plus cher.

En 2022, le Pinot Blanc représentait à lui seul 2 882 ha (18,5 % du vignoble) et l'Auxerrois 454 ha (2,9 %).

Souvent, certains des 3 156 producteurs aiment à souligner qu'ils ont encore de vieilles vignes. À l'instar d'autres régions, il n'existe pas de réglementation concernant l'âge minimum pour l'étiquetage des vieilles vignes , mais l'accord informel porte sur l'âge minimum de 26 ans.

Développements de grands crus

La tarification des grands crus est souvent mal comprise par les commerçants et les consommateurs.

M. Gallis précise que, depuis 2001, il rémunère les viticulteurs en fonction de la superficie et non du rendement. "Nous voulons que les grands crus soient de véritables vins de qualité supérieure", explique-t-il.

Aucun nouveau grand cru n'a été désigné depuis 2017, qui en compte désormais 51, mais un changement dans la loi consiste à ajouter le cépage pinot noir à la liste autorisée. L'histoire soutient les sites exceptionnels et peut-être les législateurs ont-ils négligé ce cépage. À titre d'exemple, le lieu-dit Hengst à Wintzenheim est désigné comme étant de qualité supérieure depuis leIXe siècle. La coopérative d'Eguisheim compte des membres qui y possèdent des exploitations.

En prévision du nouveau statut de grand cru pour le Pinot Noir, Etienne-Arnaud Dopff de Dopff 'au Moulin' a replanté une partie de cette vigne sur 1,5ha au Schoenenbourg à Riquewihr. Les autres sites autorisés sont le Hengst et le Kirchberg de Barr.

Plantations de vignes en Alsace (2022)

  • Pinot Blanc 21% (le plus grand utilisé pour le Crémant)
  • Riesling 21
  • Gewurztraminer 19
  • Pinot Gris 16%.
  • Pinot Noir 12 %.
  • Sylvaner 5 %
  • Muscat 2%
  • Autres (par exemple Chardonnay, Chasselas, Klevener de Heiligenstein) 4%.

Source : Conseil Interprofessionnel des Vins d'Alsace (CIVA) Conseil Interprofessionnel des Vins d'Alsace (CIVA)

Plantation de vignobles (2022)

  • Surface totale 15 529 ha
  • Jeunes vignes 372ha

Source : CIVA

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